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antique ? Sans aucun doute, Cimabue voyait la nature par lui-même, par lui seul. Il en fut étourdi, et demeura complètement incapable d’imaginer les formules techniques qui devaient la reproduire avec quelque énergie. Le bas-relief antique, au contraire, montrait à Niccola de Pise comment la nature peut s’interpréter par l’art ; comment l’art distribue chaque chose pour la faire valoir ; comment il abstrait certains détails ; comment il en accentue d’autres ; pourquoi il doit mentir ici ; pourquoi il doit dire vrai là. Enfin Niccola de Pise était mis en possession, par son choix, du travail de bien des générations, condensé, on peut le dire, sur un morceau de marbre, qu’il pouvait palper, mesurer, confronter à son aise, pour arriver enfin à le comprendre. Il y arriva. Nous écrivons ceci en présence de deux études, l’une faite d’après le bas-relief antique du sarcophage de la comtesse Béatrice, et l’autre d’après le bas-relief du Pisan qui décore le milieu de l’admirable jubé qu’il construisit dans le baptistère. Le bas-relief antique nous semble représenter, non les Aventures de Méléagre, comme le Vasari le pensait, mais l’Amour de Phèdre pour Hippolyte, et ce dernier chassant le sanglier de Phibalis. Les deux scènes qu’il exprime sont divisées par un pilastre, dont la proportion et les moulures sont parfaites. D’un côté sont des femmes assises, enveloppées dans de larges draperies ; de l’autre, des jeunes gens sur des chevaux lancés. Le bas, relief du Pisan est une Adoration des Mages. L’on reconnaît sans peine avec quelle fidélité il a cherché