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ressources, à leurs besoins ? Ou faut-il encore, comme un grand nombre d’entre eux le pratiquent, pour échapper à tout danger et à toute hésitation, qu’ils croupissent dans une indifférence abrutissante pour toute notion qui n’a pas pour but immédiat l’enseignement matériel de l’outil ? Non assurément, pour leur dignité, pour leur sûreté, pour leur avancement, il ne faut ni l’un ni l’autre.

C’est donc aux artistes (car de ceux-ci il en est encore bon nombre qui peuvent rendre en ce sens de réels offices à l’art) à s’unir pour que l’histoire soit mise en lumière, la théorie affermie, et la pratique même enseignée avec clarté et conscience.

En attendant, le livre de Vasari échappera peut-être à cette fatalité attachée en France à toutes les autres entreprises sur l’art ; et, s’il y échappe, il pourra assurément rendre service. Ce n’est point ici une élucubration captieuse présentée par un historien systématique ; c’est un simple recueil de faits rassemblés et enregistrés dans un pêle-mêle assez insouciant, par un artiste fort occupé dans son temps. Mais cet artiste, tout passionné qu’on l’ait dépeint, tout étourdi qu’on se le figure, a partout parlé en homme compétent et profondément instruit. Mais tous les faits qu’il relate, quels que soient leur importance et leur ordre, se rapportent à une longue suite d’hommes illustres, parmi lesquels tout véritable artiste peut trouver une autorité à invoquer et un modèle à suivre. Et il ne faut pas oublier de dire ici que la plupart des hommes pour lesquels l’Italie a gardé une grande admiration, et pour la gloire desquels elle se passionne encore, ont toujours été peu connus chez nous. Toutes ces renommées modestes ont été absorbées en France par le bruit de quelques grandes supériorités. C’était bien là le droit de ces dernières, nous le reconnaissons, et nous leur faisons cette part ; mais il y a aussi la part à faire de la distraction des voyageurs, de l’ignorance des écrivains, du zèle mal entendu des amateurs, et du trafic odieux des marchands d’objets d’art. C’est plus qu’il n’en faut certes pour altérer prématurément l’histoire et étouffer ses justes souvenirs. Qu’on se résigne à ne savoir des temps anciens que les grands