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en est écrasé. L’exemple, l’habitude y la solde insuffisante, disposent l’ouvrier à la renonciation de tous ses instincts, à l’oubli de toutes ses curiosités dont rien ne lui révèle la valeur et la portée. Aussi, quand l’art et l’artiste subissent ce joug, faut-il qu’un heureux concours de circonstances, qu’une inspiration soudaine, qu’une sympathie entraînante les en tirent. C’est ce qui arriva presque simultanément au peintre Cimabue, au sculpteur Niccola, au père de l’école florentine, au père de l’école pisane. Une grande apparition, une vie singulière autant qu’admirable venait, comme nous le dirons ailleurs, de passionner l’Italie entière. Cimabue, le premier, en voulut consacrer le souvenir. Il entreprit des portraits, il s’essaya à la représentation des scènes de la vie réelle. Il lutta par conséquent pour suppléer à l’insuffisance des types anciens : il regarda la nature. Les citoyens de Pise, au milieu des richesses apportées par leur flotte, au milieu de tous les fragments antiques dont depuis quelque temps déjà ils étaient avides, en signalèrent un, admirable entre tous, et l’encastrèrent, avec une complaisance naïve, au frontispice de la cathédrale de Buschetto. Le jeune Niccola l’admira comme tout le monde ; mais seul, ou le premier, il pensa à le reproduire, à l’égaler. Il laissa donc là, lui aussi, les patrons de ses maîtres : il étudia l’antique. De là, révolution dans l’art de Florence, révolution dans l’art de Pise : révolutions parallèles, mais profondément distinctes ; l’une commençant par un peintre, l’autre par un sculpteur ; l’une procédant de la nature, et l’autre