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constance de nos pères a vite déserté et auquel, dans leur dédain, ils ont imposé le nom le plus impropre. L’art gothique a semé dans nos villes ses merveilles. Il est inutile ici de les décrire, personne aujourd’hui n’y est plus indifférent, et chacun voudra croire que nous ne sommes pas les seuls artistes de notre génération qui ne sachions ni les sentir ni les comprendre. Mais l’art gothique répond-il, cependant, à toutes les exagérations littéraires qui, de jour en jour, prétendent nous le mieux expliquer ? Mais l’art gothique a-t-il obéi à toutes les prescriptions pieuses et à toutes les intentions sacerdotales que de jour en jour on y découvre ? De ce que cet art a été expressif et a parlé aux âmes, est-ce à dire qu’il a été retenu et gourmandé ? De ce que cet art a eu un sens profond, est-ce à dire qu’il a été garrotté dans les plus inviolables symboles ? De ce que cet art a été original, est-ce à dire qu’il n’a hérité de rien, et qu’il n’a rien emprunté ? De ce que cet art, enfin, est sorti d’une rapide inspiration, est-ce à dire que sa forme lui avait été miraculeusement révélée ? Nous ne pouvons admettre toutes ces choses. L’art gothique nous paraît encore assez grand, assez étonnant sans elles. Nous serions plutôt portés à croire en tout le contraire. L’art gothique nous paraît avoir été l’enfant de cette liberté et de cette dignité conférées à l’individualité humaine, par la religion chrétienne. Et nous ne comprenons pas bien comment ses maladroits amis se servent étourdiment de lui pour accuser le sacerdoce chrétien d’avoir continué le désolant et fatal système de compression