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avant sous les règnes obscurs des Copronyme, des Nicéphore, des Michel, des Basile, que lorsque l’épée d’Alexandre lui ouvrait le passage ; et le voilà qui s’arrête et travaille en paix, là même où le sceptre des Antigone, des Antiochus, des Seleucus et des Ptolémée n’auraient jamais pu le protéger. Et ce n’est point ici seulement, c’est aux termes les plus séparés et les plus distincts de sa longue existence, qu’on peut observer cette merveille. C’est quand il quitte sa terre natale, c’est quand la violence le broie, l’humilie et le chasse, qu’on connaît mieux son ressort, et que sa vitalité s’exprime d’une manière plus frappante. L’art grec n’a-t-il pas pour sa grande part, et pour sa vengeance, servi à ployer la brutale puissance de Rome, où il avait été amené comme un prisonnier sans armes ? Quinze cents ans plus tard, quand le mahométan vint lui disputer le dernier pouce de terrain sur lequel la tradition byzantine pouvait au moins végéter sans mélange, les Grecs fugitifs, pour marquer leur reconnaissance, ne contribuèrent-ils pas puissamment aux progrès de l’Europe, où ils étaient accueillis comme des exilés sans ressources ?

Mais retournons un moment sur nos pas, et disons ici en quelques mots ce qui advint de l’étonnante diffusion de l’art byzantin dont tout à l’heure nous nous occupions. Nous sommes, si on se le rappelle, sur les limites de la grande époque de Charlemagne, alors que la chrétienté n’était point encore dégagée des terreurs de l’an 1000 ; alors que l’église, tout en se servant de l’art, tout en le pro-