Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.

exigences, l’ouvrier byzantin pénétra partout. Où le moine n’eût pas pu s’immiscer, l’artiste était accueilli et souvent appelé. Et comme le même voyageur avait la plupart du temps ce double caractère, beaucoup de conversions éclatantes, imprévues, en ont résulté.

L’art byzantin, c’est-à-dire, toujours l’art antique, et exclusivement antique, mais dans l’état de dépérissement où il se trouvait alors, frappa à toutes les portes, et partout fut reçu. Non seulement il régnait sans partage, comme nous le prouverons ailleurs, dans ce qui pourrait s’appeler, surtout pour nous, le monde civilisé de ce temps, chez toutes les nations germaines impatronisées dans l’ancien empire romain, mais encore il visita ce qui restait de ces peuplades barbares demeurées au Nord ; il traversa en tous sens le populeux océan de la race slave, il vécut sous la tente de l’Arabe et du Tartare, en attendant qu’ils se fussent donné une installation plus propice. Il n’est pas enfin jusqu’aux nègres de l’Abyssinie qu’il n’ait su atteindre.

Étrange destinée de l’art grec, admirable propriété de son principe et de ses formes, mystérieuse correspondance de ses époques ! Voyez, c’est quand le malheur l’assaille, quand le destin le brise, quand le souffle et le terrain lui manquent, quand tout annonce qu’il va mourir, qu’il retrouve ses espérances, qu’il ramasse ses forces, et s’élance plus loin. L’art grec était réduit à la situation la plus triste et la plus précaire : il se mourait d’inanition sur son soi ; et le voilà qui conquiert le monde, qui se porte plus