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moins du monde arrêtés jusqu’ici. Quoi qu’il en soit, l’église, en soulevant une telle opposition aux volontés les plus imposantes, et en courant, avant sa victoire finale, des risques et des alternatives si cruels, avait-elle une pleine conscience de son action dans le sens qui nous occupe ? Nous n’oserions pas l’affirmer. Elle en retira des avantages trop matériels, trop immédiats, pour qu’elle nous semble en tout ceci s’être beaucoup préoccupée de l’avenir. Elle s’appuyait sans doute, dans une telle entreprise, sur l’assentiment des peuples, et ne froissait pas leurs tendances naturelles et observées. Mais cela, dans les circonstances où elle se trouvait, explique encore mieux son succès que sa prévoyance.

Au reste, par la force providentielle des choses, plutôt que par la volonté intelligente des hommes, l’art antique, au moment de disparaître dans ses derniers débris et de se transformer, eut un magnifique épanouissement qu’il est vraiment honteux à beaucoup d’historiens d’avoir autant méconnu. Une fois son parti pris et sa bannière levée, l’église poussa l’art, non seulement à produire, mais encore à se propager. Les artistes grecs et italiens entrèrent dans les ordres, s’associèrent aux missions, et confondirent, dans un même esprit de prosélytisme, la religion et l’art. L’art byzantin couvrit bientôt le monde, et devint précisément un des plus puissants agents de la civilisation compromise après tant de bouleversements. Comme le prêtre, ne reculant devant aucune fatigue, devant aucun danger, mais mieux que lui pouvant condescendre à certaines