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de science ou d’inspiration qu’il fallait à ses nécessités ou à ses plaisirs, parmi la troupe avilie de ses prisonniers de guerre, de ses esclaves, que pouvait-il rencontrer ? N’était-ce pas justice qu’il n’obtînt que des idées bâtardes, fruit de la crainte et du servilisme ; et des formes factices, fruit de l’humiliation et du découragement. Tout art et toute science, toute intelligence et toute imagination, n’eurent plus au monde qu’un pôle vers lequel ils gravitèrent, l’adulation de la richesse et de la force : pitoyable et emphatique résultat, que l’immensité des ressources et sa durée colossale ne peuvent déguiser, surtout quand on examine ses dernières conséquences et le point où il vient aboutir. Le siège de Corinthe n’était pas encore bien loin ; les premières violences des proconsuls romains étaient encore toutes fraîches ; les plaies de la Grèce étaient encore saignantes ; et toute la fécondité de la verve indépendante des Grecs n’était pas encore tarie, que les Romains étaient déjà blasés, et se battaient les flancs dans leur faim insatiable et leurs caprices sans terme. Il leur fallait du nouveau ; il leur en fallait sans cesse ; et le nouveau pour eux était une richesse toujours plus grande, une prodigalité plus effrénée ; et de même qu’il leur fallait maintenant des légions de gladiateurs s’égorgeant dans le cirque, des troupeaux de lions se dévorant dans l’arène, il leur fallait des légions de statues, des forêts d’oélisques et de colonnes, s’effaçant par l’agglomération dans leurs places, dans leurs jardins, dans leurs édifices. Entendez le vieux et austère Vitruve, qui les dénonce déjà dans les