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qu’une passion effrénée pour le luxe. Or, la sainte origine de l’art n’a rien à démêler avec ces sales mobiles. Les arts, enfants des plus nobles instincts de l’homme, conséquences sublimes de ce sentiment élevé et naïf de vénération et de sympathie qui distingue l’homme entre tous les êtres, ne peuvent que s’avilir et se dénaturer en entrant au service des passions dédaigneuses et des appétits féroces de la force matérielle et de l’égoïsme.

Quand l’épais Mummius (qu’on nous pardonne ce banal souvenir, car il peut nous servir à exprimer notre pensée d’une manière frappante) s’abattit sur la malheureuse Corinthe, la saccageant et la ruinant, il représentait exactement la foncière barbarie de son peuple. Quand il vint à réfléchir que, parmi tant de cadavres, il pourrait peut-être trouver quelque grammairien, quelque poète, quelque peintre, quelque architecte encore vivant pour les mener à Rome, pour les montrer comme des bêtes curieuses et amusantes, il représentait exactement l’ignoble curiosité de son peuple, et il écrivait lisiblement chez ce peuple la naissance abjecte de l’art. La translation à Rome des fragments précieux ramassés dans la mutilation de Corinthe fut le signal de la transformation de l’art. Ce signal démoralisa la Grèce : la force et les monstrueux appétits du peuple romain s’étaient révélés, ils devaient s’assouvir. Ce peuple, qui ne sut jamais orner son idée par lui-même, qui ne sut jamais manier un outil avec intelligence, à qui toute autre fatigue que la fatigue militaire faisait horreur, qui recrutait tous les hommes