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rêvant des progrès imaginaires qu’on réclame cet accord ; c’est simplement pour ne pas tomber dans toutes les décadences connues jusqu’à ce jour. Mais on le comprend, sur un intérêt aussi délicat, dans une circonstance aussi décisive, s’accorder, se réunir dans des principes communs, ce n’est pas se soumettre servilement, aveuglément aux opinions particulières. À ce compte, il n’y aurait qu’un embarras, celui du choix ; car beaucoup de gens ont fait annoncer, depuis quelque temps, qu’ils tenaient au service de l’école française l’unique et universelle panacée qui doit chez elle en finir avec toutes les blessures et toutes les infirmités de l’art moderne en souffrance. Le malheur est qu’on est payé pour y prendre garde. Le sens commun des artistes se méfie aujourd’hui. On a tant abusé de leurs entraînements et de leurs rapides sympathies, qu’ils en sont venus, comme bien d’autres, à vouloir des garanties. Cette méfiance est une mauvaise chose pour l’art, sans doute ; mais qui l’a motivée ? Ceux qui ont voulu, sur parole, disposer du génie des artistes, tirer tribut de leur travail, dans l’intérêt de leur marotte ou de leurs calculs, et qui n’ont su ni se préserver eux-mêmes, ni placer leurs confiants auxiliaires à l’abri d’une chute fâcheuse.

Dans ces circonstances, il importe de mettre l’histoire de l’art en honneur. Quand le présent ne sait pas où il va, il faut lui dire d’où il vient. Nous n’insisterons pas sur cette convenance ; on l’a proclamée assez haut, dans toutes les directions de l’étude ; et tout ce qu’on en a dit de bon ailleurs peut se reporter ici. Mais apprendre au présent quel a été le passé, n’est pas une chose facile autant qu’on pourrait se le figurer en voyant tant de gens s’y mettre sans façon. C’est au contraire une tâche assez mal remplie, malgré le grand nombre d’ouvriers qui s’y livrent. Le passé s’interprète mal par les talents minutieux et lourds, qui ne voient jamais dans une chose que ses accessoires, que ses accidents, et dont la vue bornée se fatigue avant d’atteindre à la hauteur des aspects, et dont l’esprit resserré s’émousse avant de pénétrer jusque dans l’intimité des choses. Le passé s’interprète mal également, et par les talents orgueilleux qui passent témérairement sur tout, qui traitent avec