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faitement installée et prête à apprendre la langue de Shakespeare dans ses moindres délicatesses.

Piccadilly Circus, le Royal. J’entre seule, à l’heure fixée pour le rendez-vous que j’ai surpris. Des boys s’empressent dans le vaste hall où l’on trouve des journaux du monde entier et les plus belles fleurs de Londres.

Beaucoup de monde. Les habits stricts et les robes décolletées côtoient, à la même table, les vêtements sports et le débraillé bohème. Dans le décor 1900, au milieu des ors, des glaces à l’encadrement désuet et des moulures profondes, c’est un va et vient continu.

Je ne trouve pas Vassili dans la salle ; mais au premier étage où des invertis, des vieilles actrices et des intoxiqués forment la plus grande partie du public, je l’aperçois soudain.

Je ne vois que lui ; sa blondeur illumine la pièce. Il est vêtu de gris perle, avec une chemise de la même teinte, une cravate verte ; par une coïncidence qui me ravit, j’ai ce jour-là un costume semblable au sien.

Je m’assieds à la table voisine. Plusieurs personnes s’arrêtent devant lui et bientôt l’homme élégant, avec lequel je l’ai rencontré, arrive. Je ne fais rien pour attirer l’attention de Vassili ; sa présence me suffit.

Je vois sa nuque dorée, sa joue tentante ; son sourire ne s’ouvre qu’à demi, comme celui d’un enfant qui veut jouer à la grande personne ; je ne perds aucun de ses gestes et me plonge dans une contemplation éperdue. Un désir fou me