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— Tout à l’heure, je danserai pour vous. Puis je vous emmènerai… dites que vous acceptez, je vous en prie.

La voix sourde répète ; j’abaisse mes cils sur mes yeux en signe d’acquiescement. Il laisse échapper un petit cri heureux, commande un whisky, me parle avec volubilité d’un tas de choses sans suite. Puis il me quitte et va se préparer pour la danse.

La salle s’est remplie sans que je m’en aperçoive. Les projecteurs lancent leurs pinceaux de lumière. Kouka apparaît, cette fois couvert de haillons et couronné de fleurs. Il danse. Il semble tenir dans ses bras un corps imaginaire et l’étreindre. Il mime de ses hanches souples toutes les figures de l’amour. Son corps noir se tend dans une imploration passionnée. Il tourbillonne, bondit, pousse des cris de joie, puis empoignant une guitare il chante en me regardant, d’une voix profonde qui résonne dans mon corps.

Enfin il me fait signe. À la sortie, nous nous rejoignons. Il m’achète des roses, appelle un taxi.

— J’habite une toute petite chambre sous les toits, voulez-vous y venir ?

— Allons !

Ses larges lèvres se tendent vers les miennes, un peu effrayantes, bestiales. Je ferme les yeux. Mais elles ne se posent pas sur ma bouche. Elles se promènent sur mon visage, happent mon souffle et mon parfum… Il prend ma main dans la sienne, une grande main sèche et chaude.

Bientôt nous arrivons. C’est une petite chambre assez misérable.