Page:Varley - Une jeune fille à la page, 1938.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 70 —

leurs yeux fardés… L’amour, dans ce qu’il a de plus primitif, vient de les effleurer…

Il me fait un drôle d’effet, ce type-là ; je suis même obligée de m’isoler un moment pour que toute cette excitation ne soit pas perdue…

Quand je sors des lavabos, un chasseur me happe et me tend un papier sur lequel sont écrits ces mots : « Voulez-vous venir ici demain soir, très tôt ? »

Avec mon rouge à lèvres j’écris un « oui » sanglant.

— Vous savez d’où ça vient ? me dit le boy : du nègre !…

— Oui ! je sais !…

Je l’ai tant désiré, cet homme couleur de pêcher, tandis que sur la piste il cambrait ses fesses haut placées…

Nous rentrons à pied tous les trois, Mado, papa et moi. Je sens qu’il va se passer quelque chose entre papa et Mado.

Nous marchons sous les arcades de la rue de Rivoli.

Je traîne un peu en arrière, faisant semblant de regarder les étalages perdus dans l’ombre ; je contemple une boutique de jeu : les échecs, le billard de salon, avec sa petite poire sur laquelle il faut appuyer pour pousser la petite balle de caoutchouc, le mah-jong si amusant à regarder et si fastidieux à jouer.

Papa marche quelques mètres en avant avec Mado. À chaque fois qu’une arcade les dissimule pour quelques minutes, je sais qu’il se passe quelque chose. Je presse un peu le pas, je marche sur la pointe des pieds et je les surprends.