— Oh ! papa ! voici Mado qui me fait de si délicieux chapeaux… si on l’invitait ?
— Pourquoi pas ! Elle est aussi jolie que ses chapeaux.
Je glisse à l’oreille de Mado que mes frères sont retenus ce soir. Elle ne paraît pas trop dépitée. Papa semble lui plaire beaucoup. Il est là, entre nous, très gai, très jeune, avec son beau visage intéressant et ses yeux de nuit sombre. Il conte d’une façon infiniment spirituelle les dernières histoires qui ont cours en ce moment. Mado est de plus en plus ravie. Ce doit être la première fois qu’un homme, un vrai, s’occupe d’elle, car enfin, les jumeaux ne sont que des bébés à côté de papa.
Il nous entraîne dans un dancing de Montmartre. Atmosphère exotique, lourde de senteurs mélangées. Papa serre Mado contre lui.
Soudain un grand nègre apparaît, seul sur la piste. Il est vêtu d’un pantalon collant, d’une chemise de soie entrouverte sur sa poitrine d’ébène. Un grand chapeau de planteur couvre sa toison bouclée. D’une voix rauque il commence à chanter. Imperceptiblement, tout son corps musclé suit le rythme du chant. Il bombe le torse, creuse les reins et découvre des dents éclatantes dans un rire sauvage.
Puis, il se met à danser. C’est une danse très lente, qui suggère les gestes les plus impurs. Déhanchements… jambes qui s’évasent… bondissements… c’est un tourbillonnement insensé. Il n’y a plus là un homme, mais mille démons de luxure.
Les femmes se sentent émues et s’agrippent à leurs compagnons, avec des gestes las. Un cerne violet encercle