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Nous regardons maman.

C’est un petit bout de femme, toujours mal fagotée. Menue, fragile, son visage s’orne d’immenses yeux noisette pleins de rire, et d’un teint exceptionnellement frais et jeune. C’est une romancière très connue, ce qui ne l’empêche pas de tenir sa maison et de recevoir avec une grâce que lui ont acquise des générations de grand-mères, châtelaines modèles.

Depuis ma naissance, elle s’est détachée de l’amour.

Fut-elle déçue par ce mari trop beau que toutes les femmes lui disputaient ? Elle n’en a jamais rien dit et continue d’en faire, dans tous ses livres, un personnage de roman. En tout cas, ce Don Juan, qui ajoute toujours de nouvelles conquêtes à ses listes amoureuses, elle a su le garder près d’elle, comme elle nous garde, dans la maison heureuse et chaude.

Mes frères ont repris leur discussion.

Je suggère :

— Jouez donc Claire au poker dice.

— Chic idée, fait Antal.

— Et dépêchez-vous, parce qu’il est bientôt l’heure d’aller à la gare.

Pendant que les jumeaux disputent au sort le droit d’étreindre Claire, je parcours à mon tour la liste des invités.

— Qui est Jacques Anglade ? Qui le connaît ?