Page:Varley - Une jeune fille à la page, 1938.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 48 —

Dans la boîte où nous échouons, elle mange comme si c’était la première fois de la semaine et je la regarde avec stupéfaction. Elle s’amuse à nous faire passer pour deux petites femmes de mœurs légères, très légères et, de plus en plus, notre hôte ― qui se prénomme Gérard ― s’émoustille. Ses yeux brillent. Sous la table ses jambes enserrent les miennes, ses mains moites se posent sur mes bras nus.

Est-ce l’effet du champagne ? De la nourriture trop abondante ? De l’atmosphère si nouvelle pour moi ? Tout à coup j’entre dans le jeu, je ne sais plus ce que je dis, et je réponds à ses invites avec des coquetteries qui m’étonnent moi-même.

Un moment, Gérard s’absente. Stasia me dit :

— Écoute, profite de l’aventure. Ce sont quelquefois les plus charmantes. Ton amant quotidien te semblera plus délicieux après.

— Je n’ose pas !…

— Mais si, tu en meurs d’envie. Les amours imprévues sont les meilleures et laissent les plus beaux souvenirs.

Quand Stasia se décide à nous quitter, Gérard insiste pour me garder encore, ne serait-ce qu’une heure. J’accepte lâchement… ou courageusement, je ne sais plus au juste.

Il m’entraîne. Encore un taxi où il m’étouffe sous ses baisers avides. Avant de monter chez lui, je le quitte un instant pour téléphoner à la maison qu’on ne m’attende pas pour dîner, je ne sais pas combien de temps il faudra au Monsieur pour se calmer, car il a l’air rudement excité.

J’entre dans un petit bistro qui fait le coin de la rue et me dirige vers l’appareil qui est dans un recoin de la salle. En