Page:Varley - Une jeune fille à la page, 1938.djvu/4

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 4 —

— Naturellement, elle n’a aucune raison de refuser. Les filles sont toujours contentes de trouver un garçon pour les aimer, rétorque Claude dédaigneusement.

— Je voudrais bien en trouver un, moi aussi, dis-je.

— Veux-tu te taire ! s’écrie ma mère, une jeune fille ne doit pas parler comme ça.

— J’en ai assez d’être jeune fille et s’il ne tenait qu’à moi, je choisirais aussi sur la liste…

— Assez, dit papa qui est resté silencieux, lisant et relisant une lettre avec nervosité, je n’aime pas que ma fille s’exprime comme une théâtreuse.

Nous baissons les yeux. Quand papa a une crise de moralité, c’est que sa maîtresse le trompe, lui ment ou vient de lui envoyer une facture trop salée.

En ce moment il est amoureux d’une actrice. Nous ne l’ignorons pas. Papa est romantique, frivole, inconstant ― et nous l’adorons.

Il est grand, avec un beau visage régulier, un nez fin, des yeux sombres, couleur de nuit sans lune. La quarantaine ne l’a pas touché encore dans sa sveltesse. Il a gardé d’un duel lointain une légère claudication qui ajoute encore à l’intérêt qu’on lui porte immédiatement.

— Il faudra bientôt qu’on te marie, Florence, dit-il avec un soupir.

J’évite de m’étendre sur ce sujet épineux. Il gronde :

— Tu m’entends ?