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Est-ce qu’il s’imagine que je vais faire cela avec lui toute ma vie ? Et puis, quoi encore ? Est-ce qu’il va falloir que je l’épouse ?

Pour le moment il donne en plein dans le culte du souvenir, à ce qu’il paraît. Il m’attire dans un coin et me montre… on devine quoi… qui est en état de refaire ce que nous avons fait.

En voilà un spectacle pour une jeune fille ! Ce que ça peut être réaliste un homme dont on n’a pas envie ! Il me fait un petit cadeau bizarre. Il me tend un livre avec des airs de conspirateur.

— Lis ça, c’est pour toi.

Encore un truc pour tenter de renouveler ce que maman, dans ses romans, appelle un doux émoi. Émoi toi-même. C’est la manœuvre classique, les dernières cartouches, si j’ose dire.

J’ouvre le livre, ce n’est même pas cochon. Il y a une scène soulignée au crayon bleu, le crayon du médecin qui fait des petits travaux scientifiques pour des revues. Une scène où deux amants se rencontrent dans une cuisine. C’est fade, fade. S’il croit que c’est avec des bouquins comme cela qu’il m’aura de nouveau, il se fourre le doigt, si j’ose dire, dans l’œil.

J’ai toujours aimé la chasse et je n’avais guère plus de dix ans quand je suivais mon père et rapportais fièrement les pièces ensanglantées qu’il mettait à son tableau. Mais ce matin, je suis très fatiguée, aussi je laisse les autres s’éloigner.

Draga, ma chienne, lève deux lapins de garenne que j’épaule machinalement. Avec ça, j’ai gagné le droit de me