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— Avec ce temps-là ? Il fait chaud comme en septembre. Et même en septembre…

— Cela peut changer. Allons, au revoir, madame Taquet.

Je partis dans Paris, à l’aventure. Je marchais, soulevé par une exaltation joyeuse, vivant déjà l’avenir, me figurant ma rencontre avec Aurore, les heures que je passerais avec elle… allant plus loin que cette entrevue, voyant notre réunion définitive, plus tard… notre vie à deux, selon dix séquences différentes. Je laissais mon imagination s’enivrer de tous les possibles, qu’elle passait en revue tour à tour, par longs coups de projecteur sur les perspectives les plus variées de notre futur bonheur… À moins que… Mais les moments où les obstacles bouchaient l’horizon, ne duraient guère, et je reprenais vite ma course à l’espoir…

Tous ces rêves filmés en surimpression sur la vivante réalité des rues : un Paris fiévreux et inquiet, plein de policiers au brassard rouge et à l’X doré, d’agents cyclistes, d’estafettes à moto, de gardes républicains à cheval, de camions chargés d’uniformes… avec, aux carrefours, de noirs Sénégalais groupés, rieurs, auprès des lebels en faisceaux… un Paris en état de siège.

Où allai-je ce jour-là ? Combien de dizaines de kilomètres ai-je parcourues ? Il me semble que je déjeunai quelque part vers le Trocadéro, dont la silhouette me reste dans la rétine, associée à une table de restaurant…

Il faisait un temps mou et gris, presque tiède ; à un