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Ce ne fut pas la fin, car, après tant de plaintes,
Un umbre m’apparut qui me cria ces motz :
Mortel, n’aie point peur, mais ecoute mes plaintes,
Et retourne jouyr du gracieux repoz.

Je suis cil que Fortune à la roüe inconstante
Esleva pour un temps en grande dignité,
Quy, se jouant de moy, me donnoit une attente
Quy nourrissoit mon cœur en la mundanité.

Sçache que j’ay vescu au monde peu d’années,
Et qu’après y avoir acquis un peu de biens,
J’ay mechant entreprins de secrettes menées
Quy m’ont faict tresbucher aux creux Tenariens.

Ce fut l’ambition qui causa ma ruine,
Et les tourmens cruels que j’endure icy bas ;
Je m’apparois à toy, que la raison domine,
Affin de te servir de mon triste trepas.

Las, combien dy je alors à cette ame maudicte
Tu ressens de tourmens pour t’estre mal conduict ;
Mais quy faict qu’en ce lieu torturé tu habites,
Et que ton dur tourment tu m’as icy desduict ?

Ces lieux, me respond-il, comme proches du Louvre
Où j’ay faict autrefois tant de tort à mon roy,
M’ont esté designez, affin que par là j’ouvre,
Et m’en ressouvenant, la bonde à mon esmoy.

Et je te dy quel est le tourment que j’endure,
Afin que, vray tesmoing, tu le conte aux humains :