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double ducat en Espagne ; et que je te pourrois compter mille sortes de choses ; mais j’aime bien mieux qu’on m’accuse d’avoir oublié beaucoup que d’avoir trop dit. Il me suffira donc de t’apprendre qu’après toutes ces aventures, comme je semblois être destiné au service des dames, je fus remis en œuvre et fus employé en une paire de pendans d’oreilles. Je ne fus pas plutôt en cet état, que je benissois ma bonne fortune, m’imaginant que je ne pouvois manquer d’être du secret de la personne que j’allois servir, et je crus que tous ces petits mots, qu’on disoit si bas, étoient des choses si agréables, que j’aurois un plaisir extrême à les entendre. Je fus pourtant bien attrapé quand je connus que ce n’étoit le plus ordinairement que des secrets que tout le monde sçavoit, que de fausses confidences et que des sottises dites avec precaution. Je m’avisai même qu’il y avoit certains galans qui parloient à ma maîtresse de cette sorte pour faire les importans, ou pour faire croire à ceux qui les voyoient qu’ils n’étoient point mal avec une dame aussi bien faite. Cependant, comme celle-ci étoit fort coquette, et qu’elle écoutoit à droite et à gauche, chacun de nous n’avoit que la moitié de son secret ; ce n’est pas que la pluspart du temps ce ne fût la même chose, car ce qui entroit par une oreille


réglé par l’ordonnance de 1532. Les plus beaux étoient les nobles de Raymond, qu’on appeloit ainsi parce qu’on croyoit qu’ils avoient été faits avec l’or que Raymond Lulle avoit, par œuvre hermétique, fabriqué pour le roi d’Angleterre. V. Delecluze, Notice sur Raymond Lulle, p. 28.