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Et qui de leur plaisir t’apporte quelque fruict.
Encores pourras tu faire courir le bruit
Que, si tu n’en avois commandement du prince,
Tu ne l’exposerois aux yeulx de ta province,
Ains te contenterois de le tenir secret,

Car ce que tu en fais est à ton grand regret.

Et, à la verité, la ruse coustumière,
Et la meilleure, c’est ne rien mettre en lumière,
Ains, jugeant librement des œuvres d’un chacun,
Ne se rendre subject au jugement d’aulcun,
De peur que quelque fol te rende la pareille,
S’il gaigne comme toy des grands princes l’oreille.

Tel estoit de son temps le premier estimé,
Duquel si on eust leu quelque ouvraige imprimé,
Il eust renouvelé peut-estre la risée
De la montaigne enceinte ; et sa Muse prisée
Si hault auparavant eust perdu (comme on dict)
La reputation qu’on luy donne à credit.

Retien donques ce point, et si tu m’en veulx croire,
Au jugement commun ne hasarde ta gloire ;
Mais, saige, sois content du jugement de ceulx
Lesquelz trouvent tout bon, auxquelz plaire tu veux,
Qui peuvent t’avancer en estats et offices,
Qui te peuvent donner les riches benefices,
Non ce vent populaire et ce frivole bruit
Qui de beaucoup de peine apporte peu de fruict.
Ce faisant, tu tiendras le lieu d’un Aristarque,
Et entre les sçavants seras comme un monarque.
Tu seras bien venu entre les grands seigneurs,