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Et soit la seule court ton Virgile et Homère,
Puis qu’elle est (comme on dict) des bons esprits la mère.
La court te fournira d’arguments suffisants,
Et seras estimé entre les mieulx disants,
Non comme ces resveurs qui rougissent de honte,

Fors entre les sçavants des quelz on ne fait compte.

Or, si les grands seigneurs tu veulx gratifier,
Arguments14 à propoz il te fault espier,
Comme quelque victoire, ou quelque ville prise,
Quelque nopce, ou festin, ou bien quelque entreprise
De masque, ou de tournoy : avoir force desseings,
Des quelz à ceste fin tes coffres seront pleins.

Je veulx qu’aux grands seigneurs tu donnes des devises15 ;
Je veulx que tes chansons en musique soient mises ;
Et à fin que les grands parlent souvent de toy,
Je veulx que l’on les chante en la chambre du roy.


14. Argument est ici dans le sens de sujet de pièce.

15. On sait de quelle importance furent les devises jusqu’au XVIIe siècle, où elles jouoient dans les carrousels le rôle qu’elles avoient eu dans les tournois, et figuroient comme un dernier débris des temps chevaleresques. Dans les Entretiens d’Ariste et d’Eugène, par le P. Bouhours, le VIe leur est tout entier consacré. Les grands seigneurs recouroient aux poëtes pour leur faire des devises, dont beaucoup furent des plus ingénieuses, comme on le voit par les citations du P. Bouhours. Les auteurs gardoient pour eux-mêmes quelque chose de leur marchandise, ils s’étoient presque tous donné des devises, qu’ils apposoient sur leurs œuvres, et qui souvent en étoient la seule signature. V. G. Guiffrey, Poème inédit de Jehan Marot, 1860, in-8, p. 126, note.