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La source Cabaline, et le double Rocher,
Et l’arbre qui le front des poëtes honore.
Mais retien ce précepte en ta memoire encore :
C’est que tu pourras bien François partir d’icy,
Mais tu retourneras Italien aussi,
De gestes et d’habits, de port et de langage,
Bref, d’un Italien tu auras le pelaige,
Afin qu’entre les tiens admirable tu sois :
Ce sont les vrays appas pour prendre noz François.
Lors ta Muse sera de cestui la prisée

Auquel auparavant tu servois de risée.

Il sera bon aussi de te faire advoüer
De quelque Cardinal5, ou le faire loüer
Par quelque homme sçavant, afin que tes loüenges
Volent par ce moyen par des bouches estranges.
Mais il faut que le livre où ton nom sera mis
Tu donnes ça et là à tes doctes amys.
Ainsi t’exempteras du rude populaire,
Ainsi ton nom partout illustre pourras faire :
Car c’est un jeu certain, et quiconque l’a sçeu,
Jamais à ce jeu là ne s’est trouvé deçeu,
Surtout courtise ceulx auquelz la court venteuse
Donne d’hommes sçavants la loüenge menteuse,
Qui au bout d’une table, au disner des seigneurs,


5. Ici du Bellay critique moins Charles Fontaine qu’il ne se critique lui-même. Fontaine étoit allé en Italie à la suite d’un belliqueur, ainsi qu’on le voit par quelques vers de l’Élégie sur la mort de sa sœur, et Joachim y avoit suivi un cardinal son parent, portant le même nom que lui, et patron de Rabelais avant d’être le sien.