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le dira sans doute ; mais je vous prie de luy en parler bien comme il faut, pour le mettre dans la teste que ce n’est autre chose qu’une plaisanterie24. Je ne suis pas assez asseurée de ce que vous en pensés pour respondre que vous dirés bien, et je pense qu’il faudroit commencer par persuader l’ambassadeur. Néanmoins, il faut s’en fier à vostre habileté ; elle est au-dessus des maximes ordinaires, mais enfin persuadés-le ; je hays comme la mort que les gens de son âge puissent croire que j’ay des galanteries25. Il me semble qu’on leur paroist cent ans dès que l’on est plus vielle qu’eux, et ils sont touts propres à s’estonner qu’il soit encore question des gens ; et


24. Madame de La Fayette tient à son idée sur le peu de sérieux des Maximes (V. le billet nº 2). Maintenant surtout qu’il y a pour elle intérêt de cœur à ce que M. de La Rochefoucauld ne puisse être accusé de sécheresse d’âme, elle cherche à faire croire et à se persuader que les Maximes, dont cette sécheresse railleuse et sceptique est le principal défaut, ne sont qu’une plaisanterie.

25. M. Sainte-Beuve a fort bien remarqué que ces mots charmants répondent exactement à cette pensée de la princesse de Clèves : « Madame de Clèves, qui étoit dans cet âge où l’on ne croit pas qu’une femme puisse être aimée quand elle a passé vingt-cinq ans, regardoit avec un extrême étonnement l’attachement que le roi avoit pour cette duchesse de Valentinoy. » Cette idée-là, dit M. Sainte-Beuve, « étoit, comme on voit, familière à madame de La Fayette. Elle craignoit surtout de paroître inspirer la passion à cet âge où d’autres l’affectent. Sa raison délicate devenoit une dernière pudeur. Elle n’avoit que trente-deux ans alors, La Rochefoucauld en avoit cinquante-deux. »