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passé dans leur rang, le roi ordonna à madame de Maintenon, qui avoit changé de nom, de marcher avant toutes les duchesses47. La conduite du roi, sage et juste en tout ce qu’il fait, donna dès lors à juger quelle étoit la dignité de la dame, et toute la France et l’Europe ont su depuis ce temps ce qu’elle a remué et entrepris pour engager Sa Majesté à déclarer le rang qu’elle tenoit auprès de lui, et à la faire reconnoître pour ce qu’elle étoit ; à quoi cependant elle n’a jamais pu parvenir48.

Il y a peu d’années que madame de Maintenon envoya à madame de Noïailles, abbesse de Notre-Dame de Poitiers, une fille de Saint-Cyr. Cette demoiselle, lui ecrivit la dame, a bonne vocation pour la religion, et pour votre maison en particulier ; mais je n’ai que deux mille francs à vous donner pour sa dot, etant obligée d’en fournir beaucoup d’autres. » À la fin de la lettre elle ajoutoit ces mots : « Vous pouvez bien, Madame, avoir quelque souvenance de moi : je n’ai pas oublié que j’ai mangé de votre pain. »

Le marquis d’Aubigné49, frère de madame de Maintenon, fut placé page chez le marquis de Pardaillan, gouverneur de Poitou ; il en sortit quand


47. Ce n’est pas tout : le roi présent, elle restoit assise ; et quand le dauphin ou Monsieur venoient lui rendre visite, à peine se levoit-elle un instant.

48. C’est dans Saint-Simon qu’il faut lire comment, à deux reprises, elle fit les plus grands efforts pour arriver à cette déclaration, et comment, ayant échoué deux fois, elle dut se résigner à rester reine anonyme.

49. Charles d’Aubigné, né en 1634.