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avoit du jugement et de la cautelle, respond qu’il y avoit un jeune chirurgien d’auprès du lieu où il estoit, qui devoit passer à Saumur dedans deux ou trois jours, qui luy avoit promis de le rendre libre.

Ayant ce ouï la damoiselle et sçachant que son mary en avoit près d’autant que le pauvre patient, luy dit : « Mon amy, j’ay un serviteur qui est malade comme toy, que je voudrois faire guerir ; si tu rencontres ton chirurgien, ameine le moy, et je le nourriray et payeray le chirurgien, et venez ceans vous restaurer. » Il pensa que son nepveu eust esté bon chirurgien, et incontinent allasmes à Saumur, et fit achetter à son nepveu un vieil pourpoint noir et des chaussettes noires, un chapeau, un estuy et un boestier plein d’unguents, et reprismes chemin, le chirurgien à cheval. La dame, très joyeuse, nous loge en une boulangerie, et le barbier en une bonne chambre. On luy demande s’il y avoit esperance de guerir ce pauvre homme ; il dit qu’il le gueriroit dans quinze jours, sur sa vie, encores que le patient ne pourroit endurer la force des unguents, parce que le mal est en lieu fort sensible. Enfin il le traicta si bien que dans dix jours il fut guery. Ce qu’entendant la dame du logis, pour luy mettre son mary en main, le seigneur, ne faisant semblant que fust pour luy, alla voir le gueu, qu’il trouva guery, et ne restoit que quelques plumaceaux pour faire bonne mine. Retournant à sa femme, luy dist : « M’amie, voilà un très excellent chirurgien et heureux en ses cures. » Le seigneur luy demande où il avoit appris, il respondit : « Avec un mien oncle,