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ne donner jamais rien à gens de nostre robbe. « Ne sera il pas bon de l’atrimer au tripeligourd ? » dict le cagou. Chacun respond : « Gis, gis, gis. — Mes enfans, il faut aller trois par trois au dessouz du moulin et nous autres par dessus la chaussée : les premiers importuner fort sur la bille, c’est sur l’argent, sur la crie, sur le pain, ou sur la moulue, c’est la farine ; et au cas qu’on ne nous donne rien, je crieray à la force du roy : ils sortiront du moulin, vous entrerez par la grande porte, et trouverez sur la cheminée le pain du meusnier, et un coffre au pied du lict, dans lequel y a un pot de beurre ; l’autre prendra en la met30 une sachetée de farine, et chacun avec son butin se retirera ; et sans doute je feray sortir le meusnier et les moutaux31. »

Nous acheminous trois et le chef, la troupe à la file, et importunans de demander, eurent un peu de fleur de farine, et la meirent en une escuelle. Pour mieux jouer le roolle, le grand cagou la prend ; cestuy feit semblant de luy donner un coup de baston, et quereller, jusques à en venir aux armes, et crier la force. Le meunier et les mouteaux sortent pour voir le combat. Cependant nous ne perdions le temps, car nous executasmes ce que dessus fort heureusement, et non sans hazard. Après ce bel effect nous ambiasmes le pelé à une


30. Huche. Ce mot est encore employé dans nos campagnes. Au 17e siècle on ne le comprenoit déjà plus à Paris, et Tallemant des Réaux, l’ayant employé, se croyoit obligé de l’expliquer en note et de dire : « C’est un mot de province. » (Édit. in-12, t. 1, p. 247.)

31. Les garçons chargés de la mouture.