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et luy dist : « Tien, monte jusques là hault. » Ce qu’il fit promptement. Ce docteur fit coupper un bras de l’un de ces penduz et le met en son bissac, et ambiasmes le pelé à deux lieues de là, et arrivasmes à Nyort, où trouvasmes grand nombre de noz frères, qui ne manquèrent de recognoistre ce lieutenant de roy29, comme la raison leur commandoit. Avant que le jour fust bien esclaircy, il attache le bras de son nepveu derrière, fort serré, et, ayant sur son dos un pacquet pour couvrir le jeu, et un mantelet à mille pièces attaché par soubs la gorge, attache ce bras de pendu au mouvement de l’espaule du nepveu, et en escharpe en un grand linge tacheté de matière de playe et avec proportion, tellement que l’on jugeoit estre le bras naturel. Monsieur le lieutenant du roy prend un cousteau et faict une playe jusques à l’os, le descouvre et verse du sang sur icelle playe et un peu de fleur de froment ; et le bras, qui est prest de corrompu, on jugeoit une parfaicte gangrène, tellement qu’il y avoit presse à donner à ce bras pourry.

Et si quelqu’un n’estoit assez esmeu de pitié, l’oncle luy donnoit invention de se mettre un poinçon à travers le gras, et recevoir plus d’argent que nous tous.

Ce signalé cagou, nous acheminant sur noz subjects, nous advertit qu’il estoit besoin de prendre garde à nous, et estions près d’un moulin à eau, près de Mortaigne. Le meusnier avoit cela de bon de


29. C’est-à-dire ce franc-cagou. Voy., plus loin, le Dictionnaire blesquin.