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mis, c’est-à-dire que les espaules me faisoient mal. Toutes fois, je ne plaignois pas mon mal, car j’avois dejà veu beaucoup de païs : nous avions esté jusques à Clisson de la Loire, et au Loroux à Bressuire, et en plusieurs fours chauds et froids, de pailliers et prez.

Comme je fus contrainct de prendre la balle
à bon escient
.

Advint qu’en nostre voyage mon compagnon demeura malade à Mouchans en Poitou13. Je me ré-



13. En ce temps les compagnies de gueux du Poitou étoient nombreuses et célèbres. « Il y avoit alors, dit d’Aubigné, une gaillarde academie de larrons en Poictou, n’en déplaise à la Gascogne ni à la Bretagne. » (Le baron de Fæneste, édit. P. Mérimée, p. 137.) Un passage très curieux du Jargon (édit. des Joyeusetez, t. VIII, p. 3–4), au chapitre Ordre ou Hiérarchie de l’argot réformé, donne d’intéressants détails sur l’origine de cette truandaille poitevine et sur la manière dont elle s’étoit alliée avec les mercelots des foires, qui avoient fini par être confondus avec elle : « L’antiquité nous apprend et les docteurs de l’argot nous enseignent qu’un roi de France ayant établi des foires à Niort, Fontenay et autres lieux du Poictou, plusieurs personnes se voulurent mesler de la mercerie ; pour remedier à cela, les vieux merciers s’assemblèrent et ordonnèrent que ceux qui voudroient à l’avenir estre merciers se feroient recevoir par les anciens…, puis ordonnèrent un certain langage entr’eux avec quelques ceremonies pour estre tenues par les professeurs de la mercerie. Il arriva que plusieurs merciers mangèrent leurs balles, neantmoins ne laissèrent pas d’aller aux susdites foires, où ils trouvèrent