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dire qu’elle cognoissoit bien que son honneur luy avoit esté ravy par les finesses d’autruy, et qu’elle en avoit une telle infamie, qu’en toute sa vie elle ne sçauroit l’effacer, et qu’elle prioit Dieu et la justice de luy vouloir pardonner et d’avoir pitié de sa miserable fortune, affirmant que, si tost qu’elle avoit peu s’apercevoir de la meschanceté de son pretendu et faux mary, elle s’estoit estrangée de luy, dont sa conscience luy en portoit tesmoignage ; que depuis ne luy avoit donné repos ne jour ne nuict ; ce qu’elle disoit humblement en baissant la vue assez honteusement et avec une grande craincte. Le faux Martin, au contraire, avec un visage asseuré et joyeux, appeloit doucement sa femme, disant qu’il ne luy vouloit aucun mal, sachant bien qu’elle l’accusoit y estant portée et incitée par autruy ; et se tournant à mesdire de l’oncle du vray mary, disant qu’il estoit autheur de tout ceste tragédie. Tout ce que Bertrande avoit auparavant desclaré separement au juge des premières choses quy estoient entervenues entr’elle et son mary, ce faux Martin le racompta aussi de mot à mot, sans y rien obvier, mesmement comme, par l’insinuation de quelqu’invisible sorcière23, ils avoient esté liez huit ans ne faisans que languir, sans pouvoir faire renaistre leur generation par le devoir de mariage, et qu’estant en desespoir, une bonne vieille leur avoit donné le moyen de deslier l’ensorcellerie, tant enfin qu’ils peurent voir en naistre


23. Il est dit aussi dans la relation de Rocolles que la confrontation d’Arnauld avec Bertrande fut à son avantage, en ce que leurs réponses concordèrent en tout point.