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lement croistre l’ongle du doigt qui suit le poulce de la main droite qu’il le tailloit et en ecrivoit après comme d’une plume. « Parbleu ! voilà un galand homme ! s’escria icy l’amy de Sylon. Ne s’en sert-il point aussi au lieu de chausse pied, et ne vend-il point les autres pour faire des lanternes ? — C’est un trafic dont je ne voudrois pas jurer qu’il ne se soit avisé, continua Sylon ; mais tant y a qu’il n’y a rien de si extraordinaire dans la longueur de ses ongles qui ne passe pour une très grande galanterie au royaume de Mangy8, ou de la Chine et de Cochinchine, comme aussi parmy les naïres9 de la coste Malabare, où les grands ongles ne se portent que par les nobles, et où c’est une marque de roture de les avoir courts. — C’est peut-estre, repliqua l’amy de Sylon, ce qui fut cause de la belle mode qui courut parmy nos godelureaux il y a quelque temps, de laisser ainsi croistre l’ongle du petit doigt10. Quoy



8. Il faut lire ici, je crois, Manchy, abréviation de Mantchourie.

9. Les naïres sont, parmi les Indiens, les nobles qui portent les armes.

10. On connoît ces vers d’Alceste à Célimène sur cette mode des muguets du XVIIe siècle (le Misanthrope, acte 2, sc. 2) :

Mais au moins, dites-moi, Madame, par quel sort
Votre Clitandre a l’heur de vous plaire si fort ?
Sur quel fonds de mérite et de vertu sublime
Appuyez-vous en lui l’honneur de votre estime ?
Est-ce par l’ongle long qu’il porte au petit doigt
Ou’il s’est acquis chez vous l’estime où l’on le voit ?

On lit aussi dans la nouvelle tragi-comique de Scarron, Plus d’effet que de paroles, au sujet du prince de Tarente :