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est veritable : Deina peri phachis, il faut esperer que nous en sortirons à nostre honneur.

Premierement, vous devez sçavoir que ce n’est pas de poëte seulement, mais de musicien aussi, que Sibus a joué le personnage dans le monde ; et c’est ce qui fait que vous devez moins vous estonner de sa misère, estant doue de ces deux bonnes qualitez, dont une seule ne manque presque jamais à rendre un homme gueux pour toute sa vie. Ce n’est pas qu’à dire le vray il ait jamais possedé ny l’une ny l’autre veritablement ; mais tant y a qu’il n’a pas tenu à luy qu’il n’ait passé pour tel, et que quelques-uns mesme, soit pour ne le pas bien connoistre, soit peut-estre aussi pour le voir si gueux, l’ont pris pour ce qu’il desiroit d’estre. Il est vray que, comme il connoissoit son foible, il avoit l’industrie de ne parler jamais de vers devant les poëtes, mais tousjours de musique, et avec les musiciens de ne parler que de vers : de sorte que parmy les poëtes il passoit pour musicien, et parmy les musiciens pour poëte. C’est ce qui me donna bien du plaisir un jour que, m’estant successivement trouvé avec Voiture et Lambert3, et estant tombez par hazard sur le sujet de ce petit poëte : « Il est vray, me dit Lambert, que le pauvre petit Sibus ne sçait rien du tout en musique ; mais, en recompense, pour ce qui est des vers, on dit qu’il en fait à merveille. » Voilà


3. Ce musicien, beau-père de Lulli, est trop connu depuis la 3e satire de Boileau et par quelques anecdotes de Tallemant pour qu’il soit besoin d’entrer sur son compte dans quelques détails.