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comme frères, et, cela fait, le laissois aller sans lu y faire aucun autre tort ny dommage.

Voyez si vous estes de si bonne conscience ; je tiens pour tout asseuré que vous n’auriez garde de faire le semblable ; je vous tiens d’un tel naturel, et l’experience le monstre, que vous arracheriez volontiers le cœur des pauvres gens, puis que, les ayant tous vollez, pillez et desrobez, encore leur mettez-vous le poignard sous la gorge pour leur faire confesser, de force ou de gré, s’ils n’ont point destourné quelque partye de leur bien ; vous leur donnez le fronteau9, vous leur serrez les poulces


got, sieur de L’Éperonnière, intitulé Les picoreurs, nous apprend ce que le voyage de Louis XIII, en 1620, coûta ainsi aux riches campagnes de la Normandie :

. . . . . . . . . .  Un jeune pitaut me dit tout esperdu,
Les soldats sont au bourg, Monsieur, tout est perdu !
Cette engeance d’enfer, que la faim espoinçonne,
Froisse tout, pille tout, sans respect de personne ;
Ils ont le diable au corps, et jurent devant tous
Que, par la digne tête, ils logeront chez vous.
J’aurois, j’aurois horreur de vous dire de bouche
Le desastre qu’ils font et dont le cœur me touche,
Ce ne sont point soudars, ce sont des picoreurs,
Qui sont de l’Ante-Christ les vrais avan-coureurs ;
Leurs buletins sont faits, et déjà par la voie,
Comme loups affamés, ils courent à la proie.
Ils ont presque tué Flipin d’un coup d’estoc,
En defendant Janet, ses poulet et son coq ;
Ils ont rompu son meuble, et sa feme Isabelle
A perdu son sanfaix, son fil et sa cordelle ;
Ils ont mangé sa cresme, ils ont son lard ravy.
Jamais un tel desordre au monde je ne vy.

9. C’étoit un genre de torture exercé sur les paysans par