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Le Canard qui mange cinq de ses frères,
et qui est mangé à son tour par un colonel
1.

J’ai connu très particulièrement, mon cher oncle, un colonel au service de Hollande, fort gourmand, et même un peu goulu ; ce brave militaire avoit imaginé une manière peu commune de manger des canards excellens, et voici quelle etoit sa methode :

Ce fier Batave faisoit chercher six canetons, que


1. Cette pièce singulière, qui sous son titre burlesque cache une sorte d’apologue dont le sens avoit alors une grande portée, date des premiers temps de l’Assemblée constituante. Nous l’avons trouvée à la Bibliothèque impériale : V. Catalogue de l’histoire de France, t. 2, p. 528, nº 1767. Il n’étoit pas rare, à l’époque de Necker et de Calonne, de voir personnifier sous la piètre figure de dindons ou de canards plumés et prêts à mettre en broche, le non moins piètre sort des gens frappés par les impôts. Ainsi, c’est alors qu’on avoit mis en vers la parabole de ces misérables volatiles, consultés pour savoir non pas s’ils seroient mangés, mais à quelle sauce ils devroient l’être. V. Sallier, Annales françoises, 1re édit., p. 62, note. On en avoit fait aussi une caricature assez amusante, dont voici la légende : c’est Calonne, sous la figure d’un singe à la tribune, qui préside et qui parle ; ce sont les canards et les dindons