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bien inestimable de la paix, de la quelle nous respirions si doucement les doux zephires avec une


l’époque fortunée dont il fait la description, et c’est ce qu’en explique le charme. Son style prosaïque ne pouvoit se colorer qu’aux souvenirs de l’enfance : « Après la moisson, dit-il, les paysans choisissoient un jour de fête pour s’assembler et faire un petit festin qu’ils appeloient l’Oison de métive (moisson) ; à quoi ils convioient non seulement leurs amis, mais encore leurs maîtres, qui les combloient de joie s’ils se donnoient la peine d’y aller. Quand les bonnes gens faisoient les noces de leurs enfans, c’étoit un plaisir d’en voir l’appareil ; car, outre les beaux habits de l’épousée, qui n’étoient pas moins que d’une robe rouge et d’une coiffure en broderie de faux clinquant et de perles de verre, les parents étoient vêtus de leurs robes bleues bien plissées, qu’ils tiroient de leurs coffres parfumés de lavande, de roses sèches et de romarin ; je dis les hommes aussi bien que les femmes, car c’est ainsi qu’ils appeloient le manteau froncé qu’ils mettoient sur leurs épaules, ayant un collet haut et droit comme celui du manteau de quelques religieux ; et les paysannes, proprement coiffées, y paroissoient avec leurs corps de cotte de deux couleurs. Les livrées des épousailles n’y étoient point oubliées ; chacun les portoit à sa ceinture ou sur le haut de manche. Il y avoit un concert de musettes, de flûtes et de hautbois, et, après un banquet somptueux, la danse rustique duroit jusqu’au soir. On ne se plaignoit point des impositions excessives ; chacun payoit sa taxe avec gaîté, et je n’ai point de mémoire d’avoir ouï dire qu’alors un passage de gens de guerre eût pillé une paroisse, bien loin d’avoir désolé des provinces entières, comme il ne s’est vu que trop souvent depuis par la violence des ennemis. — Telle étoit la fin du règne du bon roi Henri IV, qui fut la fin de beaucoup de biens et le commencement de beaucoup de maux, quand une furie enragée ôta la vie à ce grand prince… » (Mémoires de Michel de Marolles, 1755, in-12, t. 2, p. 20–24.)