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ment ruynez des troupes de monsieur le comte de Soissons, qui ont fouragé tous les environs, et n’avons peu ceste année recueillir un seul grain de bled. Encor nous avions espérance en M. de Soubise à son retour d’Angleterre qu’il nous rafraischiroit de vivres ; mais, hélas ! nous avons esté bien frustrez, car on nous a dit que luy-mesmes avoit esté chassé honteusement de Londres, et que, s’estant mis sur mer, ses vaisseaux avoient esté fracassez15. Si cela est, je vous laisse penser quel bon succès il donnera aux Rochelois.

— Ah ! ma commère (dit sa voisine) vous me faites crever le cœur quand vous me parlez de M. Soubise ! Il est bien cause de mon malheur : j’avois une jeune fille l’hiver passé, lorsque je demeurois à La Rochelle, belle et en bon point ; un de ses capitaines devint amoureux esperduement de sa beauté et la ravit. Mon mari poursuivit ledit capitaine pour tirer raison d’un acte si impie ; mais M. de Soubise, qui avoit peut-estre mouillé son pain au pot, n’en fit aucun conte, si non qu’on me renvoya ma pauvre fille quinze jours après. Je voulus voir si on l’avoit violée ; c’est pourquoy, en ayant commis la charge à deux matrones et sages-femmes de La Rochelle, après l’avoir veue et visitée, elles me dirent que, tout estant consideré, elles avoient trouvé que


15. M. de Soubise avoit été malheureux partout: le 25 juin 1621, il avoit capitulé dans Saint-Jean-d’Angely ; l’hiver suivant, il avoit été complétement défait dans les Sables d’Olonne, et avoit dû quitter la France. V. Caquets de l’accouchée, p. 35, 56.