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jointe à une infinité de pertes qu’ils ont faites depuis qu’ils se sont souslevez contre les armes de leur souverain, ne peuvent tenir les sanglots qui se crevent dans leurs bouches, ny boucher le passage aux soupirs qu’ils ressentent pour ce subjet.

Et quoy ! dit une vieille chappronière5 qui tenoit le haut bout en l’assemblée, serons-nous toujours misérables ? Faut-il que nos maris soyent cause de nos malheurs ? Ne suffisoit-il jusques icy de nous avoir deschirez par lambeaux ? Nous mesmes nous nous plantons le couteau dans le sein. Nous mesmes nous courons à bride abatue à nostre mort, et semble à voir qu’il nous tarde que nous ne soyons toutes dans nostre propre ruyne ensevelies miserables et mal-heureuses, pour ne revoir jamais la lumière du ciel. Faut-il, dis-je, que nos maris soient tellement oublieux de leur salut et du nostre, que de se precipiter dans les hazards et les dangers pour lutter contre les destins qui n’ont premedité autre chose que nostre totale perte ? Ha ! les larmes me crevent le cœur ? les soupirs me bouchent les conduits de la parolle, les sanglots m’estouffent. Mon pauvre mary, hélas ! ou es-tu ? ou es-tu, ma seule consolation ?

Tu m’as donc quitté, pauvre et infortunée, pour estre la proie du destin ! Tu m’as delaissée languissante pour survivre à l’esclendre6, tu m’as abandon-


5. C’est-à-dire portant chaperon, ce qui étoit la marque de la petite bourgeoisie. V. notre t. 1, p. 306, et les Caquets de l’Accouchée, p. 21.

6. Ce mot se prenoit alors dans le sens de malheur, ac-