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ler, rançonner le François, et exercer sur luy cruauté plus grande qu’il ne feroit sur un estranger, un barbare ou un infidèle. Le roy mande sa gendarmerie et lève le soldat pour son service et pour conserver et garentir ses subjets de l’oppression de ses ennemis ; mais tant s’en faut que le soldat face ce pourquoy il est levé63, qu’au contraire, autant qu’il y a de soldats, autant sont-ce d’ennemis qui se licentient et desbordent par ce royaume, et mettent tout en proye comme en païs de conqueste. Si une troupe de deux cens soldats passe par un païs, ils y font un tel degast qu’ils consumeront plus de vivres que ne feroient trois ou quatre mille hommes vivans à leurs despens avec raison. Non contens de manger et devorer au pauvre laboureur sa poulle, son chappon, son oyson, son veau, son mouton, sa chair salée, et luy consumer ses provisions, ils le rançonnent, battent, emportent ce qui se trouve de reste et emmeinent ses chevaux, ou son bœuf, ou son asne : tellement que le pauvre homme, desnué de tous moyens, entre en un desespoir de se pouvoir plus remonter, ou s’il essaye et vend à vil pris une pièce de terre, ou ce peu de meubles qui luy est resté, il n’a pas


63. Sur les dégâts commis par les gens de guerre dans les pays qu’ils étoient chargés de défendre, V. plusieurs pièces des tomes précédents, et, dans celui-ci, p. 77, note. V. aussi Journal de Henri III, édit. Petitot, p. 292, 293. « Les soldats en étoient venus à un tel degré d’insolence, dit l’ambassadeur vénitien Jérôme Lippomano, qu’ils prétendoient pouvoir vivre de pillage. » (Relat. des ambassad. vénitiens (docum. inédits), t. 2, p. 380.)