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le luy emprunta. L’espace de six mois il n’a mangé bled qu’il n’ayt emprunté ; il a vescu, et n’a pas recueilly du bled ou du vin pour en payer les quatre. Outre ce il faut qu’il vive et passe le reste de ceste année, qui ne fait presque que commencer, et faut qu’il sème. Nonobstant tout cela le marchant se fait payer, prend le bled du paisant, ne luy en laisse pas un grain pour vivre ny pour vendre aux marchez ordinaires, lesquels demeurent vuides, car aucun n’y porte du bled que bien peu, et celuy qui est porté est desjà si cher qu’on prevoit bien qu’il sera devant le commencement du mois de may prochain (si on n’y met ordre) aussi cher ou plus qu’il a esté l’année dernière, pource qu’il n’y en aura plus à vendre : car cependant les marchans, qui ont leurs greniers pleins de bleds, guettent ceste faulte et disette pour vendre les leurs à leur mot. On dira qu’il faut qu’il y ait des marchans de bled, autrement seroit empesché le commerce. À cela y a response que, lors que l’abondance est telle qu’il n’y a cherté ny danger d’icelle, on peut tolerer les marchans de bleds ; mais en temps de cherté, le commerce du bled, achapt et revente d’iceluy, n’apportent sinon augmentation de pris, au detriment du public : car celuy qui l’a bien acheté cent le veut vendre cent cinquante, et bien souvent doubler et tripler le prix de son achapt.

La quatriesme cause de la cherté sont les traittes, desquelles toutesfois nous ne nous pouvons passer ; mais il seroit necessaire d’aller plus moderement en l’ottroy d’icelles. Chacun sçait que le bled, en France, n’est pas si tost meur, que l’Espagnol ne