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nous est venu enlever noz denrées de la mer, et par la subtilité et manigance31 du trafic l’or et l’argent sont venuz abonder en nous, la plus part de noz marchandises s’en sont allées en païs estrangers32, et ce qui nous est resté s’est encheri, tant pour la rarité que pour le grand moyen que nous avons commencé d’avoir, estant tout certain que l’abondance de l’or et de l’argent rend les hommes plus liberaux, et, si ainsi faut dire, plus larges à donner plus d’une chose et à acheter plus hardiment et plus souvent, et que là où il y a moins d’or et d’argent, là se vendent moins les choses. Ce qui est aux païs où il n’y a point de commerce, ou là où il n’y a pas grand peuple, et que les habitans, à faute de trouver à qui vendre leurs fruicts, soit à faute de ports et de rivières et de peuple, ou pource que chacun en a pour soy, sont contraints de les vendre à vil pris. Mais où il y a abondance d’or et d’argent, et de peuple, et de trafic, comme à Paris, Venise et Gênes, là se vendent les choses cherement : je entends des vivres et autres choses necessaires à l’homme, comme le bled, le vin, la chair, non des


31. C’étoit un mot importé d’Espagne depuis quelque cinquante ans. Dans le Moyen de parvenir, il est parlé du conte de Madame des Manigances, édit. 1757, t. 1, p. 130. « Le mot manganilla (intrigue, tour d’adresse), mot à peu près perdu en Espagne aujourd’hui, dit M. Philarète Chasles, devient manigance et se conserve parmi nous. »

32. Sur l’importance et l’étendue de notre commerce d’exportation à cette époque, voyez plusieurs pages très curieuses de la Galerie philosophique du XVIe siècle, par de Mayer, t. 2, p. 323–326. V. aussi le Discours de Bodin.