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La Faiseuse

que j’avois resolu d’ecrire en prose ; mais n’importe, puis que j’ai commencé, j’ai envie de ne pas me contraindre et de vous envoyer pour le moins autant de vers que de prose : car aussi bien, quand la fantaisie en prend, on ne sçauroit s’empescher d’en faire. Je vais donc vous conter une histoire en rimes ; elle est de mon mestier, et vous apprendra d’où sont venuës les mouches et qui en inventa l’usage. Mais avant toutes choses je vous proteste que c’est un grand secret et un grand mystère, que je n’ai encore revélé à personne. Quand vous l’aurez sceu, je vous prie de n’en faire confidence à qui que ce soit qu’à Mademoiselle votre sœur.

Ecoutez, fille divine,
Je vous apprendray l’origine
De ces mouches que vous portez ;
Que vous autres, rares beautez,
Mettez si souvent en usage
Pour embellir vostre visage.
Ce dieu redouté des humains,
Qui fait toujours mille desseins
Contre la liberté des hommes,
Mit en vogue, au siècle où nous sommes,
Toutes ces belles mouches-là,
Et voici comme tout alla :
Un jour, près de Venus, sa mère,
Et faute de meilleure affaire,
L’Amour, sans dire un pauvre mot,
Chassoit aux mouches comme un sot ;
Si qu’enfin la belle déesse,
En se moquant de sa jeunesse,