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semblance, et qu’enfin les anciens ont failly en cecy, comme ils ont manqué quand ils ont fait durer des sujets d’une pièce plusieurs mois, et qu’ils n’observoient ny unité de lieu, ny de scène. Qu’on ne me pense donc point payer d’authorité : il n’y a vice ny defaut que je ne justifie, s’il ne faut pour cela que le trouver dans un ancien autheur. Il n’y a point d’Age, anime ! dans Senèque qui puisse rendre bon : « Courage, mon ame ! » en françois.

C’est encore une bonne sottise que ces sentimens qu’ils appellent cachez. Ils nomment sentiment caché ce qu’un personnage prononce sur le theatre seulement pour éclaircir l’auditeur de ce qu’il pense, en sorte que les autres acteurs avec qui il parle n’en entendent rien. Par exemple, dans le Belissaire30, pièce dont je fais d’ailleurs beaucoup d’estat et dont j’estime l’autheur, lors que Leonce le veut tuer, ce dernier, après luy avoir fait un grand conte que Belissaire a fort bien entendu, s’ecrie :

Lâche, que tardes-tu ? l’occasion est belle31.

Dans le Telephonte32, Tindare dit à son rival, qui veut epouser sa maistresse : Traistre, je t’arracheray plutost l’ame, ou quelque chose de semblable ; puis


30. C’est la tragédie de Rotrou, jouée en 1643, imprimée l’année suivante, Paris, Anthoine de Sommaville, in-8.

31. Ce vers est en a parte dans la scène 2 du 1er acte.

32. Tragi-comédie de Gabriel Gilbert, imprimée en 1642, puis réimprimée plus tard sous le titre de Philoclée et Téléphonte. « Cette pièce, où Richelieu déposa quelques pensées et quelques vers, fut jouée par les deux troupes royales. » (Catal. Soleinne, t. 1, p. 265.) La Chapelle en reprit le sujet en 1682, et en tira une tragédie qui eut quelque succès.