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fournir de dents autant qu’il luy en eust fallu tous les jours, je dis quand mesme on les lui auroit payées, voicy encore une autre invention dont il s’avisa : Comme sa veine n’estoit pas des plus fertiles, ny de celles qui portent de l’or, il faisoit faire des vers par quelqu’autre, qu’il vendoit sous main à son libraire, et l’autre avoit pour soy le gain de la dedicace, dont il ne manquoit pas de faire part à Sibus pour le bon office qu’il croyoit qu’il luy eust rendu en faisant imprimer sa pièce22. Vous me demanderez comme est-il possible que des libraires voulussent donner un seul teston d’un si miserable travail. Voicy l’artifice dont il usoit pour les attraper : Quelques jours avant que de leur parler de ce qu’il desiroit mettre sous la presse, il envoyoit tous ses amis au Palais s’enquerir à tous les libraires s’ils n’avoient pas un tel ouvrage de monsieur un tel23. Ceux-cy, voyant tant de gens venir demander son livre, croyoient qu’indubitablement ce devoit estre quelque chose de bon : de sorte qu’au commencement il en tiroit d’assez bonnes sommes. Mais enfin ils descouvrirent la trame et le firent mettre une fois en prison pource qu’il


22. Furetière, dans sa satire les Poètes, parle aussi des procédés de ces mendiants à la dédicace :

Il espéroit tirer cent écus du libraire,
Et vendre cent louis l’epistre liminaire,
Prenant pour protecteur quelqu’orgueilleux faquin
Qui payroit chèrement l’or et le maroquin.

23. C’est justement la manœuvre que M. Scribe a renouvelée dans son Charlatanisme pour faire vendre le livre de son intéressant médecin, le docteur Rémy.