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panne. Il ne faut pas demander s’il se trouva brave quand il l’eut attachée à son manteau, et s’il fit estimer sa marchandise à tous ceux qu’il connoissoit. Tantost, afin d’avoir occasion d’en parler, il disoit qu’il croyoit avoir esté trompé ; tantost il demandoit s’il n’avoit pas eu bon marché, et surtout il ne manquoit pas de dire qu’il avoit veu un homme fort bien fait en offrir autant que luy en sa presence. Ces importunes reflections, dont il lassa tout le jour la patience d’un chacun, firent qu’on se resolut de luy faire oster son manteau dès le soir mesme, afin d’avoir le plaisir de voir avec quelle force d’esprit il supporteroit la perte de ce bien-aimé. Pour ce dessein, comme il s’en retournoit chez luy fort tard, on mit dans un coin de rue par où il devoit passer une lanterne, avec un papier tout proche, où estoit escrit en grosse lettre : « Rends le manteau, ou tu es mort. » La poltronnerie du poète estoit si connue qu’on sçavoit bien que, quelque amour qu’il luy portast, il ne laisseroit pas de le quitter aussi tost qu’il auroit leu ce billet. Aussi n’y manqua-t-il pas, et, dès qu’un de ses amis qui s’en retournoit avec luy, et qui estoit de l’intrigue, eust ramassé le papier, il osta bravement son manteau


Ce mot est mis ici par ironie, à cause de sa ressemblance avec celui de trélis, fine étoffe depuis très long-temps célèbre. (V. Fr. Michel, Recherches sur les étoffes de soie, t. 1, p. 115), et dont on fait encore l’habillement de jambe des gens à la mode :

Puis le bas de trélis honnête
Lui fait la jambe encor mieux faite.

(Vers à la Fronde sur la mode des hommes, 1650, in-4.)