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perchans sur deux solives, tous esperdus, et, ayant abandonné leurs sens à la frayeur, commençoient à mourir à l’aspect de la mort.

Ce pauvre père de famille, en telle perplexité, s’avisa d’une bougette4 où estoient les papiers des acquisitions de ses biens, et, avec grand hazard de sa vie, l’alla querir et la lia fermement à l’une des dites solives, à celle fin (disoit-il) que, quoy qu’il arrivast de soy et de ses biens, l’eau venant à se vuider, il eust le moyen de rentrer en paisible possession de ses biens, si la fortune luy reservoit sa dite bougette.

Au milieu de ce triste confort, la rivière, roidissant plus fort, renversa de fond en comble la dite maison, tellement que qui n’avoit peu gaigner le dessus mourut doublement, accablé et noyé.

Ce fut un piteux et lamentable depart du mary


4. Petite poche, pochette. On sait que les Anglois en ont fait leur mot budget, qui n’eut pas d’abord un autre sens. Ils nous l’ont renvoyé avec l’acception politique qu’ils lui avoient donnée dans le Parlement, et en l’accueillant nous avons cru faire l’hospitalité à un étranger. Il est vrai qu’avec son nouveau sens et la forme nouvelle que lui avoit donnée la prononciation angloise il étoit devenu bien méconnoissable. Bien peu de gens comprennent que l’expression ouverture du budget, qui revient tous les ans dans les discussions parlementaires, signifie simplement ouverture de la bougette, de la poche. C’est, en effet, le moment où celle du contribuable s’ouvre pour se vider, celle du gouvernement pour s’emplir. On lit à ce sujet un très curieux et très piquant article dans le Mercure, floréal an IX, p. 280.