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à desirer que ce grand architecte du monde eust fait une fenestre par laquelle Vostre Majesté peut jetter la veue dans le cœur de vostre royaume, et s’y promener d’un bout à autre avec les yeux ! Ô que ce seroit un present digne d’un roy s’il se trouvoit des lunettes bonnes à cet usage ! Pleust à Dieu en eussé-je donné une pinte de mon sang ! Vous verriés une infinité d’hommes trainer miserablement leur vie sous un eternel travail, qui ne leur produit pour tout profit que quelques bouchées de pain exposées aux extorsions et concussions de vos officiers, et, d’une part, à la rigueur des exacteurs de vos tailles ; d’autre, à l’avarice des usuriers, à la vexation et rapine de vos sergens, sans une infinité d’autres accidans qui les font mescognoistre par eux-mesmes et s’estimer en leur creation au dessous des plus abjects et contemptibles animaux. Vous arresteriez vostre regard sur tant de mortuis­santes images de la mort, sur tant de visages mornes, plombez, haves et ressemblant plustost à des phantosmes qu’à ce qu’ils sont, tandis vostre tendre cœur se fondroit tout en pitié et se laisseroit saisir d’un aussi veritable et passionné remors que celuy qui a fait meriter à un des rois vos predecesseurs, qui portoit vostre mesme nom, le surnom de père du peuple. Il est estrange d’ouyr dire que sous un règne si paisible, à l’ombre des palmes eslevées par l’incomparable valeur de ce grand heros Henry le Grand, d’heureuse memoire, sous un si fortuné genie que celuy qui preside à vostre royale maison, aucune calamité autre que fort legère vienne infester vos sujets ; et toutesfois nous apprenons, non par un bruit incertain, mais par le