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d’espouser avec le soing de mon mesnage ung chagrin qui ne m’a depuis quitté. La première attaque que la Fortune me livra feust la saysie de ma maison pour les tailles accumullées de quatre ou cinq années, subhastation9 et adjudication à vil prix à ung frère du collecteur qui avoit jetté les yeux de concupiscence dessus. Despuis ce temps-là mes maux allèrent tousjours croissant à veue d’œil. J’estois voisin d’ung gentil-homme, lequel pour mon malheur n’estoit point pensionné, et si croyoit avoir droict et cause de l’estre. Ses discours n’estoient que reniemans et menaces qu’il s’assigneroit luy-mesmes sa pension sur tel qui n’y pensoit pas. De faict il ne tarda guères que je me veis prins au collet par quatre de ses valets, et mené pieds et poings liez dans son chasteau, où Monsieur me feist entendre, par la bouche de son palefrenier, qu’ayant receu de grands et notables dommaiges durant ces derniers troubles, tant en bestail qu’en une maison qui auroit esté soubslevée par la poudre, il auroit souvant demandé au roy une pension pour son desdommagement, qui lui auroit esté refusée, à raison de quoy il se prenoit à moy, qui avois vendu la terre de laquelle feust faitte la poudre dont ses ennemys bouleversèrent sa dicte maison. J’euz beau alleguer toutes les excuses qui pouvoient servir pour ma justification et protester de tous depens, dommaiges et interests, mon arrest me feut incontinant prononcé, par lequel on me condamna, pour repara-


9. Vente faite par force, sub hasta, comme les exécutions militaires.