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par ce moyen descharger monsieur le procureur en son honneur et en ses biens. Or, compagnons, dictes-moy ce que vous eussiez faict en cette rencontre. Vous avez du subject de vous faire remarquer estonnez ; pour moy, si on m’en avoit fait autant, j’en aurois la raison ou je mourrois en la peine. Aussi ceste meschanceté m’est-elle si odieuse que, si je continuois sur ce subject le fil de mon discours, je m’asseure que j’entrerois en une invective qui pourroit me causer une opilation de ratte. Pour esviter cet inconvenient, continueray de cheminer en la mesme rue, où je fus spectateur des actions de deux procureurs et de leurs femmes, qui jouent au change à qui mieux mieux. Ce qui faict remarquer cela plus drolle est la jalousie de l’une. Qu’elle le dissimule tant qu’elle voudra, pour me l’oster de la fantaisie, il faudroit qu’elle s’abstînt d’espionner si souvent, sur le pas de sa porte, les allées et venues de son mary. Toutesfois ce n’est pas sans raison car c’est grand pitié de frustrer une pauvre femme de son ordinaire. Je le juge par moy-mesme, en ce que, quand je ne trouve rien à disner chez mon maistre, cela me fasche fort.

Cela n’est pourtant pas si esloigné de la raison qu’une autre action d’un petit procureur crotté qui fait donner assez souvent un plat de lentilles fricassées avec du vinaigre et le beurre resté d’un plat de morue qu’il avoit mangé à son disner à deux clercs qui ne manquent aucunement d’appetit, s’emancipans fort peu de visiter le cabaret, et, en consequence d’un si bon repas, sans aucun relasche, non pas seulement d’excrementer à loisir, les faict