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je vous y souhaitois, ô compagnons ! mais il falloit que ce fût corporellement (car nos esprits ne peuvent pas transferer les finances), et vos corps estoient enveloppez dans les doux linceuls du sommeil. Je jure que je vous eusse fait une exhortation larronnesque, en quoy n’y eût point eu de peché si le proverbe est veritable : Tous biens sont communs ; il n’y a que moyen de les avoir. Et si d’avanture vous eussiez fait les scrupuleux, encor que je ne sois incube14, vos pouvoirs ne m’eussent empesché l’emprunt d’un de vos corps. Or, ne pouvant faire autre chose que de contenter ma fantasie, je tournay la veue d’un autre costé, et, voyant quelques autres coffres, j’estois desjà ravy d’estonnement, croyant que par le dedans ils ressemblassent les autres. Cela fit que je m’escriay : Ô ! que de richesses ! elles surpassent celles de la Bastille15. Mais je fus deschu de ma croyance ; car, au lieu de ce precieux metal, je n’y apperceus que des haillons rapiecetez diverses fois : en sorte que ceux qui


14. « Démon qu’on s’imagine venir coucher avec les femmes et en abuser. » (Dict. de Trévoux.)

15. Le trésor, qui avoit été long-temps au Temple, puis au Louvre, puis dans une des tours du Palais, étoit à la Bastille au temps de Henri IV et de Louis XIII. Quand le premier mourut, il avoit « quinze millions huit cent soixante et dix mille livres d’argent comptant dans les chambres voûtées, coffres et caques estant en la Bastille, outre dix millions qu’on en avoit tirez pour bailler au trésorier de l’espargne. » (Mémoires de Sully, 4e part., ch. 51.) Cet argent ne dura guère : V. notre édition des Caquets de l’Accouchée, p. 54, note. La richesse du trésor de la Bastille n’en resta